റജബ് മാസം
Au nom d’Allah, l’infiniment Miséricordieux, le Très Miséricordieux
Le mois de Rajab
Louange à Allah ! Que les Prières et le Salut d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur sa famille et tous ses Compagnons !
D’après el Bukhârî et Muslim, selon Abû Bakrah, le Prophète (sur lui la paix) a fait un sermon lors du Pèlerinage de l’Adieu au cours duquel il a déclaré : « Le temps a fait un tour pour revenir comme le jour où Allah a créé les cieux et la terre ; une année correspond à douze mois parmi lesquels quatre sont sacrés. Trois d’entre eux se succèdent : Dhû el Qi’da, Dhû el Hidja, et Muharram. Le dernier est Rajab de (la tribu) Mudhar, celui qui se trouve entre Jumâdâ et Sha’bân, etc. » [1]
Allah dit : (Les mois auprès d’Allah sont au nombre de douze dans le Livre d’Allah, le jour où Il a créé les cieux et la terre ; quatre d’entre eux sont sacrés. Telle est la religion droite, alors ne soyez pas injustes envers vous-mêmes durant ces mois). [2]
Aux termes de ce verset, Allah nous informe que depuis qu’Il a créé les cieux et la terre, ceux-ci sont en rotation dans l’univers. Il a créé les astres qui ornent le ciel comme le soleil, la lune et les étoiles. Le mouvement du soleil et de la lune dans l’espace est à l’origine des ténèbres de la nuit et de la clarté du jour. Depuis ce temps, l’année compte douze mois si l’on se réfère à la lune. Contrairement au calendrier chrétien, l’année musulmane se calcule selon les différentes positions de la lune et non selon la rotation du soleil.
Le Prophète (sur lui la paix) nous apprend dès lors qu’il existe quatre mois sacrés au cours de l’année : Dhû el Qi’da, Dhû el Hidja, Muharram, et Rajab. Au demeurant, les avis des savants diffèrent quant à la désignation du meilleur d’entre eux. Certains avancent qu’il s’agit du mois de Rajab, comme l’affirme certains Shâfi’ites. Cependant, e-Nawawî et d’autres estiment que cette opinion est faible. D’autres érudits, à l’exemple d’el Hasan, prétendent que c’est Muharram ; e-Nawawî a choisi cet avis. D’autres, enfin, optent pour Dhû el Hidja à l’instar de Sa’îd ibn Jubaïr et d’autres. Cette dernière tendance semble toutefois la plus pertinente, mais Dieu Seul le sait ! [3]
Les Arabes de l’ère païenne ont transformé les lois d’Ibrahim avec la pratique du Nasî qu’ils ont innovée. Elle consiste à augmenter l’année en lui intercalant, pour différentes raisons, un mois de plus. Ils ont ainsi déréglé les saisons du pèlerinage et les mois sacrés. Ainsi, le Hadj tombait parfois au mois de Muharram et d’autres fois au mois de Safar pour revenir (tous les vingt ans) à Dhû el Hidja. Ces pratiques ont duré jusqu’à l’avènement de Mohammed (sur lui la paix) par l’intermédiaire duquel Allah réforma à son état originel la religion d’Ibrahim. Le Pèlerinage de l’Adieu, en effet, correspondit à Dhû el Hidja ; cette année-là, le temps a repris son cours initial. [4]
Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer la raison pour laquelle quatre mois de l’année furent sacrés. Selon ‘Alî ibn Abî Talha, selon ibn ‘Abbâs, Allah a choisi quatre mois de l’année pour les rendre sacrés afin que les hommes leur vouent une considération particulière. Ainsi, il est plus grave de commettre des péchés au cours de ces différentes périodes. En parallèle, les bonnes œuvres y sont plus méritoires et bénéficient d’une meilleure récompense. Selon une autre hypothèse, ces mois furent désignés ainsi car il est interdit de verser le sang au cours de ces périodes. Ce principe était bien connu des païens de la péninsule, il remonterait même à l’époque d’Ibrahim.
Une autre hypothèse développe l’idée selon laquelle ils furent considérés comme sacrés pour permettre aux Arabes d’accomplir le Hadj et la ‘Umra en toute sécurité. Dhû el Hidja fut sacré car il correspond à la période du Pèlerinage. Dhû el Qi’da fut également considéré comme tel car c’est la période au cours de laquelle les pèlerins se rendent à La Mecque. Comme le retour se faisait en Muharram, il fut sacré pour ces raisons. Le pèlerin jouissait ainsi d’une certaine sécurité depuis son départ jusqu’à son retour. Quant à Rajab, il se trouve au milieu de l’année ; période durant laquelle les pèlerins des régions proches de La Mecque effectuent la ‘Umra. À son avènement, l’Islam a interdit de faire la guerre durant les Mois Sacrés, mais la majorité des savants estiment que cette loi fut abrogée par la suite.
Par ailleurs, le linguiste el Asma’î considère que les Arabes vénéraient Rajab ; c’est pourquoi il fut appelé ainsi. Étant donné que Mudhar lui consacrait une plus grande importance, il lui fut affilié comme dans le Hadith précédemment cité. Selon une autre hypothèse, cette tribu a rendu sacré Rajab ; elle se distinguait ainsi de Rabî’a pour qui le mois de Ramadhan était sacré. Certains savants ont recensé quatorze appellations différentes de Rajab qui sont : le mois d’Allah, Rajab, Rajab Mudhar, Munsil, el Asam, el Asab, Munaffis, Mutahhir, Mu’allâ, Muqîm, Harim, Muqashqish, Mubarrî, et Fard. D’autres savants en ont ajouté trois. Ce qui porte ces appellations au nombre de dix sept. Ce sont : Rajam, Munsil el Âla, et Munzi’ el Asinna.
De nombreuses lois sont liées au mois de Rajab, certaines datant de l’ère païenne. Les savants diffèrent sur la question de savoir si ces lois se prolongent après l’avènement de l’Islam. Nous avons vu qu’il a abrogé l’interdiction d’y faire la guerre. Concernant l’immolation, les païens sacrifiaient une bête à l’occasion de Rajab qu’ils appelaient el ‘Atîra. La plupart des savants affirment que l’Islam a annulé une telle pratique. Ils s’inspirent pour appuyer leur opinion du Hadith qu’el Bukhârî et Muslim s’accordent à rapporter, selon lequel le Prophète (sur lui la paix) a dit d’après Abû Huraïra : « Il n’y a pas dans l’Islam de Fara’ (sacrifice d’un chameau voué aux idoles ndt.) ni de ‘Atîra. »[5]
En outre, certaines personnes considèrent le mois de Rajab pour lequel ils consacrent une fête, comme une circonstance religieuse. À cette occasion, ils mangent des sucreries ou autre. Or, trois fêtes uniquement ornent le calendrier des musulmans. Elles correspondent à l’Aïd (après le Ramadhan), la fête du Mouton, et les trois jours de Mina pour les pèlerins. Telles sont les seules fêtes annuelles. Quant au Jumu’a, il correspond à la fête hebdomadaire. En dehors de ces occasions, toute manifestation religieuse relève de l’innovation.[6]
Sheïkh el islam ibn Taïmiya a fait remarquer : « Rassembler les gens autour d’un repas à l’occasion des deux fêtes et des trois jours de Mina (Ayâm e-Tashrîq) relève de la Tradition. Cela fait partie des rites de l’Islam que le Messager d’Allah (sur lui la paix) a légiféré pour les musulmans. Il convient également d’aider les pauvres en leur offrant à manger pendant le Ramadhan comme le Prophète (sur lui la paix) le confirme : « Quiconque fait rompre le jeûne à quelqu’un aura la même récompense. » Donner à manger aux lecteurs du Coran démunis en vue de les aider est une bonne action à toutes les périodes de l’année. Celui qui les aide participe à leur récompense. Par contre, consacrer des événements en dehors des occasions légiférées comme certaine nuit de Rabî’ el Awwal que l’on considère comme la nuit du Mouloud, ou certaines nuits de Rajab ou encore le huit Shawwal que certains ignorants nomment Aïd el Abrâr (la fête des vertueux), est une innovation que les anciens n’ont jamais recommandée ni pratiquée, mais certes Dieu Seul sait ! »[7]
Quant aux divers rituels qui ont lieu à l’occasion de Rajab, à l’exemple de la prière, il faut savoir qu’il n’existe aucun texte venant prôner une prière particulière. Tous les Propos prophétiques concernant les mérites de Salat e-Raghâib qui a lieu la nuit du premier vendredi de Rajab sont purement inventés et sont de surcroît complètement faux. Cette prière est une pure innovation pour la majorité des savants comme le formule de grandes références parmi les dernières générations à l’instar d’Abû Ismâ’îl el Ansârî, Abû Bakr e-Sam’ânî, Abû el Fadhl ibn Nâsir, le fameux Abû el Faraj ibn el Jawzî, et bien d’autres. Si les anciens ne l’ont pas condamnée, c’est qu’elle n’existait pas à leur époque. La première fois qu’on en a entendu parler, c’est au début du quatrième siècle de l’Hégire. Comme elle n’existait pas à l’époque des anciens, ils ne pouvaient se prononcer à son sujet.[8]
Sheïkh el islam a fait savoir à ce sujet : « Salat e-Raghâib est une innovation comme l’atteste unanimement les grandes références de la religion. Le Prophète ne l’a pas accomplie ni aucun de ses successeurs ; aucune grande référence de la religion n’a recommandé cette pratique à l’exemple de Mâlik, e-Shâfi’î, Ahmed, Abû Hanîfa, e-Thawrî, el Awzâ’î, e-Laïth, etc. Le texte rapporté à ce sujet est un Hadith inventé à l’unanimité des spécialistes en la matière. Il en est de même pour la prière que l’on consacre la nuit du premier vendredi de Rajab, celle de Laïla el Mi’râj (la nuit de l’Ascension), l’Alfiya au milieu du mois de Sha’bân, la prière du dimanche, celle du lundi et d’autres jours de la semaine. Bien que certains auteurs de Raqâiq (ouvrage touchant à la sensibilité des fidèles ndt.) aient mentionné ces textes, il n’y a aucun désaccord entre les spécialistes du Hadith pour dire qu’ils sont purement inventés, en sachant également qu’aucune grande référence parmi les anciens n’a recommandé ce genre de pratiques. D’autant plus que d’après Muslim dans son recueil e-Sahîh, selon Abû Huraïra, le prophète (sur lui la paix) a déclaré : « Ne consacrez pas la nuit du vendredi pour prier ni la journée du vendredi pour jeûner. » Les Hadiths qui parlent de jeûner la journée du vendredi, de prier la nuit des deux fêtes de l’Aïd, (ou le jour de ‘Âshûra) sont de purs mensonges à l’encontre du Prophète, mais certes Dieu Seul sait ! »[9]
Quant au Jeûne, aucun texte venant du Prophète (sur lui la paix) ou de ses Compagnons n’affirme qu’il y ait un certain mérite à jeûner spécialement au cours du mois de Rajab.[10] Tous les Hadiths à ce sujet sont faibles, ils sont même inventés. C’est pourquoi, les gens de science ne s’appuient sur aucun d’eux. On ne peut même pas les utiliser dans le domaine des Fadhâil (pour encourager à faire des bonnes œuvres), puisque la plupart sont purement inventés.[11]
Quoi qu’il en soit, certains Compagnons à l’instar d’ibn ‘Abbâs, d’ibn ‘Omar, et d’Anas ibn Mâlik déconseillaient de jeûner pendant tout le mois de Rajab. ‘Omar ibn el Khattâb allait jusqu’à frapper sur les mains des gens pour les forcer à manger. Il leur disait de ne pas faire comme pour le mois le Ramadhan. L’Imam e-Shâfi’î pour sa part n’approuvait pas que l’on accomplisse un mois de jeûne en entier en dehors du Ramadhan. Il s’est inspiré pour asseoir son opinion des paroles de ‘Âisha, selon lesquelles le Messager d’Allah (sur lui la paix) ne s’est jamais voué un mois entier au jeûne en dehors du Ramadhan.[12] Il leur disait de ne pas faire comme pour le mois le Ramadhan. De manière générale, le Prophète a encouragé à jeûner durant les mois sacrés, sans toutefois offrir à Rajab un statut particulier. Au demeurant, venant juste avant le mois du Jeûne, Sha’bân est le mois au cours duquel le Prophète s’adonnait le plus au jeûne surérogatoire, sans toutefois y avoir jeûné tous les jours. [13]
En ce qui concerne la Zakât, rien ne prête à dire au regard de la Sunna et de l’usage des anciens qu’il faille la verser au cours du mois de Rajab. Une certaine hypothèse prétend que les premières générations la versaient à l’occasion de ce mois, mais que cette pratique fut tombée en désuétude par la suite. Une autre hypothèse affirme qu’ils la versaient durant le mois de Muharram qui est le premier mois de l’année. Une dernière hypothèse penche pour le Ramadhan en raison de ses nombreux mérites dont notamment le mérite de donner aux pauvres. Quoi qu’il en soit, il incombe à chacun de la verser sur les biens qu’il conserve après un an, indépendamment du mois dans lequel il se trouve.[14]
Quant à la ‘Umra, ‘Âisha a démenti les paroles d’ibn ‘Omar disant que le Prophète (sur lui la paix) a fait la ‘Umra au mois de Rajab, bien qu’elle-même le faisait. Bien sûr, ibn ‘Omar l’effectuait, mais aussi son père le deuxième Khalife qui privilégiait Rajab pour cette occasion, tout comme les anciens en général. En fait, la meilleure formule du Hadj est celle de lui consacrer deux voyages, un pour le pèlerinage en question et un autre en dehors de la saison du Hadj. Rajab semble tout désigner pour cela, car il se trouve au milieu de l’année sans pour autant que la ‘Umra ait une valeur particulière à cette période. Le seul texte concernant les mérites de Rajab, c’est le Hadith selon lequel le Prophète (sur lui la paix) a dit : « Ô Allah ! Bénis-nous le mois de Rajab et de Sha’bân et fais-nous parvenir au mois de Ramadhan. »[15] Ce Propos prophétique est rapporté par Ismâ’îl el Ansârî qui en a fait le commentaire suivant : « Aucune annale concernant les mérites de Rajab n’est authentique en dehors de ce Hadith. » L’authenticité de ce Hadith lui-même est discutable au niveau de la chaîne narrative dont certains éléments sont quelques peu faibles… [16]
Que les Prières et le Salut d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur sa famille et tous ses Compagnons !
Par : Karim Zentici
[1] Rapporté par el Bukhârî (1741) et Muslim (1679).
[2] Le repentir ; 36
[3] Voir : Latâif el Ma’ârif fîmâ el ‘Âm min el Wazhâif d’ibn Rajab le damascène.
[4] Voir : Majmû’ el Fatâwâ de Sheïkh el Islam ibn Taïmiya (25/140-141).
[5] Rapporté par el Bukhârî (5473, 5474), et Muslim (1976).
[6] Voir : Latâif el Ma’ârif fîmâ el ‘Âm min el Wazhâif d’ibn Rajab.
[7] Majmû’ el Fatâwâ de Sheïkh el Islam ibn Taïmiya (25/298).
[8] Voir : Latâif el Ma’ârif fîmâ el ‘Âm min el Wazhâif d’ibn Rajab.
[9] Majmû’ el Fatâwâ (23/134-135). Voir également : (24/202).
[10] Latâif el Ma’ârif.
[11] Majmû’ el Fatâwâ (25/290-291).
[12] Rapporté par Muslim (1156). Voir Latâif el Ma’ârif.
[13] Majmû’ el Fatâwâ (25/290-291).
[14] Latâif el Ma’ârif.
[15] Rapporté par Ahmed (1/259).
[16] Latâif el Ma’ârif.