Gai Eaton (Hassan Abdoul-Hakim)

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Titre: Gai Eaton (Hassan Abdoul-Hakim)
Brève description: Je suis né en Suisse de parents britanniques; je suis un enfant de la guerre. Au moment de ma naissance, on signait, non loin de nous, à Lausanne, le dernier traité de paix mettant un terme à la première guerre mondiale, le traité avec la Turquie. La plus grande tempête qui ait changé la face du monde s’était temporairement calmée, mais ses conséquences se voyaient de tous côtés. Les vieilles certitudes et la moralité sur laquelle elles étaient fondées avaient reçu un coup mortel. Mais mes ancêtres avaient déjà connu les conflits : mon père, déjà âgé de 67 ans à ma naissance, était né à l’époque des guerres contre Napoléon Bonaparte, et il avait été soldat.

Tout de même, j’aurais pu avoir une patrie, mais je n’en avais pas. Bien que je fusse né en Suisse, je n’étais pas Suisse. Ma mère avait grandi en France et aimait les Français plus que tout autre peuple. Mais je n’étais pas Français. Étais-je Anglais? Je ne me suis jamais identifié comme tel. Ma mère ne se lassait jamais de me rappeler que les Anglais étaient des êtres froids et stupides, en plus d’être sans sexe, sans intelligence et sans culture. Je ne voulais évidemment pas être comme eux. Alors à quel peuple – s’il y en avait un – appartenais-je? En y repensant, il m’apparaît que cette drôle d’enfance m’avait en fait préparé à embrasser l’islam, plus tard dans ma vie. Où qu’il soit né et quelle que soit sa race, la patrie du musulman est Dar-oul-islam, la Maison de l’islam. Son passeport, ici et dans l’au-delà, est la simple profession de foi, la ilaha illallah. Il ne s’attend pas – ou ne devrait pas s’attendre – à trouver la sécurité et la stabilité en ce monde, et il doit toujours garder à l’esprit que la mort peut venir le chercher à n’importe quel moment. Il n’a pas de racines profondes, sur cette fragile terre. Ses racines sont là-haut, dans le seul endroit qui soit éternel.

Mais qu’en était-il du christianisme? Si mon père possédait quelque conviction religieuse, il n’en a jamais parlé, bien que sur son lit de mort – alors qu’il avait près de 90 ans – il ait demandé : « Existe-t-il un endroit heureux? ». C’est ma mère qui s’occupa entièrement de mon éducation. Je ne me rappelle pas qu’elle ait eu un tempérament irréligieux; elle avait grandi dans un environnement religieux, mais était hostile à ce qu’on appelle communément les religions organisées. Elle était sûre d’une chose, cependant : que l’on devait laisser son fils libre de penser par lui-même et ne jamais le forcer à accepter ou adopter des opinions de seconde main. Elle était déterminée à me protéger contre tous ceux qui auraient voulu « m’enfoncer leur religion dans la gorge ». Elle mit d’ailleurs en garde toutes les bonnes d’enfant qui travaillèrent chez nous et qui nous accompagnèrent lors de nos voyages en France que si jamais elles me parlaient de religion, elles seraient congédiées sur-le-champ. Lorsque j’avais cinq ou six ans, cependant, ses ordres furent ignorés par une jeune femme dont le rêve était de devenir missionnaire en Arabie pour sauver les âmes de ces gens ignorants qui étaient, me dit-elle, enlisés dans une croyance païenne appelée « mahométisme ». Elle me dessina même une carte de cette contrée mystérieuse. J’entendais alors parler de l’Arabie pour la première fois.

Un jour, elle m’emmena faire une marche près de la prison de Wandsworth (à cette époque, nous vivions à Wandsworth Common). Je m’étais probablement mal conduit, car je me souviens qu’elle m’agrippa fermement par le bras en pointant du doigt les portes de la prison, et elle me dit : « Il y a un homme roux, dans le ciel, qui t’enfermera là-dedans si tu n’es pas sage! » C’était la première fois qu’elle faisait, à sa façon, référence à « Dieu », et je n’aimai point ce que j’entendis. Pour une raison que j’ignore, j’avais peur des hommes roux (ce qu’elle devait savoir) et celui qu’elle me décrivait comme vivant au-dessus des nuages avec la mission de châtier les garçons turbulents m’apparaissait comme particulièrement terrifiant. Dès notre retour à la maison, j’interrogeai ma mère à ce sujet. Je ne me souviens plus de ce qu’elle me dit pour me rassurer, mais je me souviens que la bonne fut rapidement congédiée.

Bien que beaucoup plus tard que les autres enfants, on finit par m’envoyer à l’école. Je fréquentai différentes écoles en Angleterre et en Suisse avant d’arriver à Charterhouse, à l’âge de 14 ans. Avec les services à la chapelle de l’école et les cours sur les Écritures chrétiennes, on se serait attendu à ce que le christianisme fasse quelque impression sur moi. Et bien non : il ne produisit aucun effet ni sur moi ni sur mes camarades de classe. En y repensant, cela ne m’impressionne pas outre mesure. La religion ne peut survivre, dans son esprit et dans son intégralité, lorsqu’elle est confinée à une seule sphère de la vie ou de l’éducation. La religion doit être prise comme un tout ou pas du tout; soit elle domine toutes les études profanes, soit elle est dominée par elles. On nous enseignait la Bible une ou deux fois par semaine, de la même manière que l’on nous enseignait les autres matières. On partait du principe que la religion n’avait rien à voir avec les études plus importantes qui constituaient l’épine dorsale de notre éducation. Que dieu n’avait rien à voir avec les grands événements de l’histoire, qu’Il n’était point derrière les phénomènes que nous étudiions en sciences, qu’Il ne jouait aucun rôle dans l’actualité et que le monde, gouverné au hasard et par diverses forces matérielles, devait être conçu sans aucune référence à ce qui existait – ou n’existait peut-être pas – au-delà de ce que nous pouvions en percevoir. Dieu était un extra, qui venait après les matières obligatoires...

Et pourtant, je ressentais le besoin de connaître la raison d’être de ma propre existence. Seuls ceux qui, à un moment de leur vie, ont ressenti un tel besoin peuvent en comprendre l’intensité, comparable à la faim physique ou au désir sexuel. Je me disais que je ne pouvais continuer de mettre un pied devant l’autre sans comprendre où j’allais, exactement, et pourquoi. Que je ne pouvais rien faire à moins de comprendre le rôle de chacune de mes actions dans le grand schéma de ma vie. Tout ce que je savais, c’était que je ne savais rien – c’est-à-dire rien qui eût une importance réelle – et j’étais paralysé par mon ignorance, comme celui qui, prisonnier d’un épais brouillard, n’arrive plus à avancer.
Où devais-je chercher la vérité? À l’âge de 15 ans, je découvris une chose que l’on appelait la « philosophie », mot qui signifie « amour de la sagesse ». La sagesse, voilà ce que je cherchais; j’en conclus donc que la satisfaction de mon besoin se trouvait dissimulée dans ces épais livres rédigés par de sages hommes. Avec un sentiment d’excitation inexprimable, comme un explorateur qui aperçoit une terre à découvrir, je plongeai dans Descartes, Kant, Hume, Spinoza, Schopenhauer et Bertrand Russell, et lus des ouvrages expliquant leurs enseignements. Je ne fus pas long avant de comprendre que quelque chose n’allait pas. J’aurais tout aussi bien pu m’emplir la bouche de sable pour me nourrir. Ces hommes ne savaient rien. Ils ne faisaient que spéculer, sortir des idées de leurs pauvres têtes. Pourtant, n’importe qui peut spéculer, même un écolier. Mais bien sûr, comment un garçon de 15 ou 16 ans aurait-il pu avoir l’effronterie de rejeter toute la philosophie profane occidentale en la qualifiant de bonne à rien? Nul n’a besoin d’une grande maturité pour savoir faire la distinction entre ce que le Coran appelle « dhann » (opinion) et le savoir véritable. En même temps, l’insistance constante de ma mère à me rappeler que je ne devais pas tenir compte de ce que les autres pensaient ou disaient m’obligeait à ne me fier qu’à mon propre jugement. La culture occidentale faisait de ces « philosophes » de grands hommes et les étudiants, dans les universités, étudiaient leurs travaux avec un respect non dissimulé. Mais tout cela n’avait aucune signification, pour moi.

Plus tard, alors que j’étais en terminale, un professeur, qui semblait s’intéresser particulièrement à moi, me fit une remarque que je ne compris pas très bien, à l’époque. « Tu es, me dit-il, le seul sceptique universel que j’aie jamais connu. » Il ne faisait pas spécifiquement référence à la religion. Il cherchait à me dire que je semblais douter de tout ce que les autres prenaient pour acquis. Je voulais savoir pourquoi nous partions du principe que nos capacités rationnelles, si bien adaptées pour nous aider à trouver de la nourriture, un toit ou un(e) conjoint(e), devaient s’appliquer au-delà des choses de ce monde. La notion selon laquelle le commandement « tu ne tueras pas » était une obligation pour tous ceux qui n’étaient ni juifs ni chrétiens me laissait perplexe; et je n’étais pas moins déconcerté par le fait que l’on faisait de la monogamie une règle universelle. Je me mis même à douter de ma propre existence. Longtemps après, je trouvai cette histoire de Chuangtzu, un sage chinois qui, ayant rêvé, une nuit, qu’il était un papillon, s’était réveillé en se demandant s’il était réellement Chuangtzu qui avait rêvé qu’il était un papillon ou un papillon ayant rêvé qu’il était Chuangtzu. Je comprenais son questionnement.

Mais au moment où mon professeur m’avait fait cette remarque, j’avais déjà découvert la clef de ce qui semblait être un savoir un peu plus certain. Par hasard – bien que le « hasard » n’existe pas vraiment – j’étais tombé sur un livre intitulé The Primordial Ocean (l’océan primitif), écrit par le professeur Perry, un égyptologue. Ce professeur avait la conviction que les anciens Égyptiens avaient voyagé loin dans le monde, sur leurs bateaux de papyrus, pour prêcher leur religion et leur mythologie. Pour prouver ce qu’il avançait, il avait passé de nombreuses années à étudier les anciennes mythologies, de même que les mythes et les symboles des peuples primitifs. Ce qu’il découvrit, c’est une étonnante unanimité au niveau de la foi, même si cette foi s’exprimait de façon différente d’un endroit à l’autre. Selon moi, ce n’est pas sa théorie sur les bateaux de papyrus, qu’il réussit à démontrer, mais plutôt une chose fort différente. Il semblait que, derrière la tapisserie faite de formes et d’images, se cachaient certaines vérités universelles sur la nature de la réalité, la création du monde et des hommes, et la signification de l’expérience humaine; des vérités qui faisaient autant partie de nous que notre sang et nos os.

L’une des principales causes de l’incroyance, dans le monde moderne, est la pluralité des religions, qui semblent se contredire les unes les autres. Tant que les Européens demeurèrent convaincus de leur supériorité raciale, ils n’eurent aucune raison de douter que le christianisme fut la seule foi véritable. La notion selon laquelle ils étaient au sommet du « processus évolutionnaire » leur permettait de croire comme à une évidence que toutes les autres religions n’étaient que des tentatives naïves de répondre à des questions perpétuelles. C’est lorsque cette certitude de supériorité raciale commença à être ébranlée qu’ils se mirent à douter. Comment était-il possible qu’un Dieu que l’on considérait comme bon permette qu’une majorité d’êtres humains vivent et meurent au service de fausses religions? Était-il encore possible, pour le chrétien, de croire que lui seul pouvait être sauvé? Les musulmans, de leur côté, prétendaient la même chose. Comment distinguer avec certitude, dans un tel contexte, ceux qui avaient raison de ceux qui avaient tort? Pour plusieurs, comme pour moi-même jusqu’à ce que je lise Perry, la conclusion évidente était que comme tout le monde ne pouvait avoir raison, alors tout le monde devait avoir tort. La religion n’était qu’une illusion, nourrie par des gens qui prenaient leurs désirs pour des réalités. D’autres préféraient peut-être substituer la « vérité scientifique » aux « mythes religieux », ce que je ne pouvais faire, puisque la science était fondée sur des hypothèses sur l’infaillibilité de la raison et la réalité de l’expérience des sens, qui n’avaient jamais pu être prouvées.

Lorsque je lus le livre de Perry, je ne connaissais rien du Coran. Le peu que j’avais appris de l’islam était faussé par des préjugés accumulés au cours de plusieurs siècles de confrontations. Si seulement j’avais pu savoir, à ce moment-là, que j’avais déjà fait un pas en direction du grand rival du christianisme. Le Coran nous assure qu’aucun peuple, sur la terre, n’a jamais été laissé à lui-même, sans être guidé par Dieu et sans recevoir la vérité, transmise par un messager qui s’est adressé à lui dans sa propre langue, en fonction de ses circonstances particulières et de ses besoins propres. Le fait que de tels messages soient altérés avec le temps va de soi, et nul ne devrait se surprendre du fait que la vérité soit altérée en étant transmise de génération en génération. Il serait toutefois surprenant que nul vestige de ces messages ne subsiste. Maintenant, il m’apparaît entièrement en accord avec l’islam de croire que ces vestiges, enveloppés de mythes et de symbole (le « langage » des peuples primitifs), proviennent directement de la vérité révélée et confirment le Message final.
De Charterhouse, je partis pour Cambridge, où je négligeai mes études, qui m’apparaissaient insignifiantes et ennuyeuses, en faveur des seules études qui m’importaient. Cela se passait en 1939. La guerre avait éclaté tout juste avant que je commence l’université et je savais que je me retrouverais dans l’armée au cours des deux années suivantes. Il m’apparaissait plausible que les Allemands finissent par me tuer. C’est pourquoi je me dis qu’il ne me restait que peu de temps pour trouver les réponses aux questions qui m’obsédaient. Cette fixation, toutefois, ne me poussa pas vers les religions dites organisées. Comme la plupart de mes amis, j’éprouvais du mépris envers l’Église et envers tous ceux qui faisaient semblant d’être dévoués à un Dieu qu’ils connaissaient à peine. Mais je me vis bientôt obligé de modérer cette hostilité. Je me souviens encore clairement de cette scène, plus d’un demi-siècle plus tard. Certains d’entre nous s’étaient attardés, en buvant du café, après le repas du soir, dans la grande salle du King’s College. La conversation dévia sur la religion. Au bout de la table était assis un étudiant généralement admiré pour son intelligence, son esprit et son érudition. Cherchant à l’impressionner et profitant d’un bref silence, je dis : « Nulle personne intelligente, de nos jours, ne croit au Dieu des religions! » Il me jeta un regard plutôt triste avant de répondre : « Au contraire : de nos jours, les personnes intelligentes sont les seules à croire en Dieu ». Si j’avais pu, je me serais caché sous la table.

J’avais, cependant, un ami très sage, de quarante ans mon aîné, que je trouvais la plupart du temps très convaincant. Il s’agissait de l’écrivain L.H.Myers, décrit à cette époque comme « le seul romancier philosophique que l’Angleterre ait jamais produit ». Non seulement sa plus grande œuvre (The Root and the Flower) répondait-elle à plusieurs des questions qui me rongeaient, mais il s’émanait d’elle une incroyable sérénité, doublée de compassion. Il me semblait alors que la sérénité était l’un des plus grands trésors qu’une personne pouvait posséder en cette vie, et que la compassion était la plus grande vertu. Je voyais assurément en lui un homme qu’aucune tempête ne secouait jamais, et qui contemplait le tumulte de l’existence humaine avec l’œil de la sagesse. Je lui écrivis et il me répondit aussitôt. Au cours des trois années qui suivirent, nous nous écrivîmes au moins deux fois par mois. Je lui dévoilais mes états d’âme tandis que lui, convaincu d’avoir trouvé en son jeune admirateur quelqu’un qui le comprenait vraiment, me répondait dans le même esprit. Nous finîmes par nous rencontrer, ce qui cimenta notre amitié.

Et pourtant, les apparences sont trompeuses. En effet, je commençai à détecter dans ses lettres un ton un peu plus tourmenté qu’à l’habitude, de la tristesse et de la désillusion. Lorsque je lui demandai s’il avait mis toute sa sérénité dans ses livres et oublié d’en garder pour lui-même, il me répondit : « Je crois que ton commentaire était très perspicace, et probablement vrai ». Il avait passé sa vie en quête de plaisirs et d’expériences (à la fois sublimes et sordides, selon ses dires). Peu de femmes, dans la haute comme dans la basse société, avaient pu résister à sa beauté, son charme et sa richesse. De son côté, il ne voyait aucune raison de résister à leurs charmes. Fasciné par la spiritualité et le mysticisme, il n’adhérait à aucune religion et ne se conformait à aucune loi morale. Maintenant, il se sentait devenir vieux et avait du mal à se faire à cette idée. Il avait essayé de s’amender et même de se repentir de son passé, mais il sentait qu’il était trop tard. Un peu plus de trois ans après le début de notre correspondance, il commit l’irréparable et se suicida.

Mon affection pour lui ne tarit pas pour autant et, plus tard, lorsque j’eus mon premier fils, je lui donnai son nom. Mais j’appris plus de la mort de Leo Myers que j’avais appris de ses livres, bien que quelques années furent nécessaires pour que j’en saisisse le sens profond. Sa sagesse n’avait existé que dans son esprit, sans jamais pénétrer sa substance profonde d’être humain. Un homme peut passer sa vie à lire des ouvrages spirituels et à étudier les écrits des grands mystiques; il peut s’imaginer avoir pénétré les secrets des cieux et de la terre; mais, à moins d’avoir profondément absorbé ce savoir dans sa nature et dans tout son être et en avoir été totalement transformé, ce savoir demeure stérile. Je me mis à penser qu’un simple homme de foi, sans grande érudition mais priant Dieu du plus profond de son cœur, avait probablement une plus grande valeur que l’étudiant le plus versé en sciences spirituelles.

Myers avait été très influencé par le Védanta, doctrine métaphysique au cœur de l’hindouisme. De mon côté, j’avais déjà été attiré dans cette direction par l’intérêt de ma mère pour le yoga raja. Je me tournai donc à mon tour vers le Védanta qui, plus tard, me poussa vers l’islam. Cela peut surprendre certains musulmans ou quiconque sait pertinemment que le fondement même de l’islam constitue une condamnation ferme de toute forme d’idolâtrie. Et pourtant, je sais que mon cas est loin d’être unique. Quelles que soient les croyances des masses hindoues, le Védanta est une doctrine basée sur l’unité pure de l’unique Réalité, ce qui se rapproche de ce que l’on appelle le tawhid (pur monothéisme), en islam. Les musulmans, plus que tout autre groupe, ne devraient avoir aucune difficulté à admettre qu’une doctrine unitaire se trouve à la base de la majorité des grandes religions de l’humanité, indépendamment des illusions idolâtres qui sont venues plus tard se superposer à ce fondement, tout comme, chez l’être humain, l’idolâtrie personnelle vient se superposer à la disposition naturelle du cœur au monothéisme. Comment peut-il en être autrement alors que le tawhid est la pure vérité?

Bientôt, je dus quitter Cambridge et on m’envoya à l’Académie royale militaire de Sandhurst, d’où je sortis, cinq mois plus tard, en tant qu’officier prétendument prêt à tuer ou à être tué. Pour en apprendre plus sur l’art de la guerre, je fus dépêché dans un régiment du nord de l’Écosse. Là, je fus plus ou moins laissé à moi-même et j’occupai mon temps à lire ou à marcher sur les falaises de granite surplombant la mer déchaînée du Nord. C’était un endroit assez orageux, mais j’y ressentais une paix comme je n’en avais jamais ressenti auparavant. Plus je lisais sur le Védanta et sur l’ancienne doctrine chinoise appelée taoïsme, plus j’avais la certitude d’avoir enfin acquis une certaine compréhension de la nature des choses et d’avoir eu un aperçu, fut-ce seulement en pensée ou par mon imagination, de la Réalité ultime près de laquelle tout le reste semblait bien pâle. Mais je n’étais pas encore prêt à appeler cette Réalité « Dieu », et encore moins « Allah ».
Lorsque je quittai l’armée, je me mis à écrire, ressentant le besoin d’exprimer mes pensées pour pouvoir y mettre de l’ordre. J’écrivis sur le Védanta, sur le taoïsme et sur le bouddhisme zen, mais aussi sur certains écrivains occidentaux (incluant Leo Myers) qui avaient été influencés par ces doctrines. Une rencontre avec le poète T.S. Eliot, qui, à cette époque, était à la tête d’une maison d’édition, me permit de publier ces essais sous le titre de « The Richest Vein » (le filon le plus riche), titre que m’avait inspiré une citation de Thoreau : « Mon instinct me dit que ma tête est un organe servant à creuser, acte pour lequel certaines créatures utilisent leur museau ou leurs pattes antérieures; et avec ma tête, je creuserai mon chemin à travers ces collines. Je crois que le filon le plus riche se trouve quelque part par ici... ». J’avais désormais trouvé une nouvelle personne pour me guider à travers les collines. En effet, j’avais découvert René Guenon, un Français qui avait vécu la majeure partie de sa vie au Caire sous le nom de Sheikh Abdoul Wahid.

Avec une entière rigueur intellectuelle, Guenon avait ébranlé, puis démoli toutes les hypothèses prises pour acquis par l’homme moderne – c’est-à-dire l’homme occidental, ou occidentalisé. Bien d’autres avaient critiqué la voie empruntée par la civilisation européenne depuis la soi-disant « Renaissance »; mais nul n’avait osé se montrer aussi radical que lui ou réaffirmer avec une telle force les principes et valeurs que la culture occidentale avait pourtant expédiés au dépotoir de l’histoire. Son thème était la « tradition primordiale » (ou sofia perennis) exprimée, selon lui, à la fois dans les anciennes mythologies et dans la doctrine métaphysique se trouvant à la base des grandes religions. Le langage de cette tradition était celui du symbolisme, et nul n’égalait Guenon dans l’interprétation de ce symbolisme. De plus, il renversa l’idée du progrès humain, la remplaçant par cette croyance quasi universelle, avant l’époque moderne, selon laquelle l’humanité perd de son excellence spirituelle avec le temps et que nous nous trouvons présentement dans l’âge des ténèbres qui précède la Fin, un âge dans lequel toutes les possibilités et les hypothèses rejetées par les premières cultures ont été déversées dans le monde, la quantité remplaçant la qualité et la décadence approchant de ses limites ultimes. Quiconque le lisait et comprenait ses idées ne pouvait plus jamais être le même.

Comme plusieurs, dont la vision des choses fut transformée après avoir lu Guenon, je me sentais maintenant comme un étranger dans le monde du vingtième siècle. Par la logique de ses convictions, il avait été amené à embrasser l’islam, la révélation finale résumant tout ce qui a été révélé avant elle. Je n’étais personnellement pas prêt à suivre la même voie, mais j’appris bientôt à garder pour moi mes opinions, ou du moins à les voiler partiellement. Nul ne peut vivre heureux s’il est en constant désaccord avec les gens qui l’entourent, pas plus qu’il ne peut argumenter avec eux, car il ne partage pas les hypothèses de base qui sont les leurs. Les discussions et les débats présupposent une base commune, partagée par les interlocuteurs. Lorsqu’il n’y a pas de base commune, l’incompréhension et la confusion deviennent inévitables, quand ce n’est pas carrément la colère. Les croyances à la base de la culture contemporaine sont mises au même niveau que les croyances religieuses incontestables, comme on a pu le voir lors du conflit entourant la publication du roman de Salman Rushdie, les Versets Sataniques.

Il m’est parfois arrivé d’oublier ma résolution de ne point participer à des débats futiles. Il y a de cela quelques années, j’étais invité à un dîner diplomatique à Trinidad. La jeune femme assise à côté de moi discutait avec un ministre du culte chrétien, un Anglais, assis en face d’elle. Je n’écoutais leur conversation que d’une oreille distraite lorsque j’entendis la jeune femme affirmer qu’elle n’était pas sûre de croire au progrès humain. L’Anglais lui répondit avec tant de rudesse et de mépris que je ne pus résister à l’envie de répliquer : « Elle a parfaitement raison : le progrès n’existe tout simplement pas! ». Il tourna vers moi un visage déformé par la colère et dit : « Jamais je n’aurais cru que je me suiciderais ce soir même! ». Comme le suicide est un aussi grand péché pour les chrétiens que pour les musulmans, je compris pour la première fois à quel point la foi dans le progrès, dans un « avenir meilleur » et, par conséquent, dans la possibilité d’un paradis sur terre, avait remplacé la foi en Dieu et dans l’au-delà. Dans les écrits du prêtre renégat Teilhard de Chardin, le christianisme lui-même est réduit à une religion de progrès. Privez l’Occidental moderne de cette foi et il devient aussi perdu que s’il se trouvait en un lieu sauvage dépourvu de tous repères ou de panneaux indicateurs.

Au moment où mon ouvrage « The Richest Vein » fut publié, j’avais déjà quitté l’Angleterre pour la Jamaïque, où un ami d’enfance allait me trouver, j’en étais sûr, un boulot quelconque. La couverture du livre me décrivait comme un « penseur mature ». L’adjectif « mature » était particulièrement inapproprié. En tant qu’homme et personnalité, je sortais à peine de l’adolescence; et la Jamaïque était l’endroit idéal pour exploiter mes rêves d’adolescent. Seuls ceux qui ont connu la vie antillaise dans les années d’après-guerre savent quels plaisirs et tentations elle offrait à ceux qui étaient en quête d’expériences de toutes sortes. À l’instar de Myers, je ne possédais point de valeurs morales qui m’auraient permis de modérer mes ardeurs. Je me sentis gêné lorsque je commençai à recevoir des lettres de gens qui avaient lu mon livre et qui s’imaginaient que j’étais un homme d’âge mûr – « avec une longue barbe blanche », comme m’écrivit l’un d’entre eux – plein de sagesse et de compassion. J’aurais voulu pouvoir les détromper au plus vite et me débarrasser de la responsabilité qu’ils m’imposaient. Un jour, un prêtre catholique arriva dans l’île pour séjourner chez des amis. Il venait tout juste, leur dit-il, de terminer la lecture d’un « livre fascinant » rédigé par un homme du nom de Gai Eaton. Il fut stupéfait d’apprendre que l’homme en question séjournait lui aussi en Jamaïque et demanda à me rencontrer. Ses amis le conduisirent à une fête où on leur avait dit qu’ils me trouveraient sans doute. On me le présenta et, voyant devant lui un jeune homme aussi frivole, il me lança un long et dur regard. Puis, il secoua la tête en signe d’incompréhension et me dit, à voix basse : « Il est impossible que vous ayez écrit ce livre! ».

Il avait raison. Et je dus regarder en face, comme je l’avais fait dans le cas de Leo Myers et à plusieurs reprises depuis, les contradictions extraordinaires de la nature humaine et, par-dessus tout, le gouffre séparant souvent l’écrivain mettant ses idées par écrit de l’homme qu’il est réellement dans la vie de tous les jours. Tandis que l’objectif, dans l’islam, est d’atteindre un parfait équilibre entre les différents éléments de notre personnalité afin qu’ils fonctionnent de façon harmonieuse, empruntent tous la même direction et suivent tous le même droit chemin, il n’est pas rare, dans les pays occidentaux, de trouver des gens dont les divers éléments de la personnalité sont en total déséquilibre, ayant surdéveloppé un de ces éléments au détriment de tous les autres. Je me suis parfois demandé si le fait d’écrire sur la sagesse ou d’en parler ne servait pas, en réalité, à pallier l’impossibilité de l’atteindre. Je ne crois pas que l’on puisse parler ici d’hypocrisie, puisque ces gens sont tout à fait sincères dans ce qu’ils écrivent ou affirment. Peut-être leurs écrits sont-ils l’expression de ce qu’il y a de meilleur en eux, même s’ils n’arrivent pas à vivre en accord avec eux.

Deux ans et demie plus tard, je retournai en Angleterre pour des raisons familiales. Parmi ceux qui m’avaient écrit suite à la lecture de mon livre se trouvaient deux hommes très versés dans les écrits de Guenon et qui l’avaient suivi dans sa conversion à l’islam... Je les rencontrai. Ils m’expliquèrent que je trouverais ce que je cherchais manifestement non pas en Inde ou en Chine, mais plus près de chez moi, dans la tradition d’Abraham... Ils me demandèrent à quel moment j’avais l’intention de commencer à mettre en pratique ce que je prêchais et à me mettre en quête sérieuse d’une « voie spirituelle ». Ils laissèrent entendre, gentiment mais fermement, qu’il était temps, pour moi, de commencer à intégrer dans ma vie ce que je savais déjà en théorie. Je leur répondis poliment, mais de façon vague, car je n’avais aucune intention de suivre leurs conseils avant d’avoir atteint un certain âge et d’avoir vécu toutes les aventures que ce monde avait à offrir. J’avoue toutefois que je me mis à lire sur l’islam avec un intérêt sans cesse grandissant.

Ce nouvel intérêt me valut la désapprobation de mon meilleur ami; il avait travaillé au Moyen-Orient et avait développé de profonds préjugés contre l’islam. L’idée même que cette religion, qu’il considérait comme très dure, puisse posséder une réelle dimension spirituelle lui apparaissait comme absurde. Il chercha à me persuader que cette religion n’était que formalisme apparent, obéissance aveugle à des interdits irrationnels, prières à répétition, intolérance, fanatisme étroit et hypocrisie. Puis il me raconta des histoires relatives à certaines pratiques musulmanes, dans l’espoir de me convaincre. Je me souviens en particulier de celle d’une jeune femme qui était mourante, à l’hôpital, et qui avait rassemblé ses forces pour se lever et déplacer son lit pour pouvoir ainsi mourir en faisant face à la Mecque. Mon ami était révolté à la pensée que cette femme se soit imposé des souffrances supplémentaires dans l’unique but d’obéir à une « superstition stupide ». Mais pour moi, au contraire, cette histoire était très touchante. Je m’émerveillai de la foi de cette jeune femme, qui se situait bien au-delà de tout ce que je pouvais imaginer.

Pendant ce temps, je n’arrivais pas à trouver de travail et je vivais dans une certaine pauvreté. Je posai ma candidature pour pratiquement chaque emploi annoncé, incluant un poste d’assistant de cours en littérature anglaise à l’Université du Caire, même si je trouvais cela un peu ridicule. En effet, j’avais obtenu, à Cambridge, un diplôme en histoire et, à part la littérature des dix-neuvième et vingtième siècles, je ne connaissais à peu près rien à ce domaine. Comment pourraient-ils considérer la candidature d’une personne aussi peu qualifiée que moi? Mais ils la considérèrent pourtant, et allèrent même jusqu’à m’embaucher. En octobre 1950, à l’âge de 29 ans, je partis pour le Caire à une période de ma vie où mon intérêt pour l’islam s’affirmait de jour en jour.

Parmi mes collègues se trouvait un musulman Anglais, Martin Lings, qui avait fait de l’Égypte sa seconde patrie. C’était un ami de Guenon et des deux hommes qui m’avaient rendu visite, à Londres, mais il était très différent de tous les gens que j’avais rencontrés dans ma vie. Il était l’exemple vivant de ce qui n’avait été, jusque-là, que des théories dans mon esprit, et je sus que j’avais enfin rencontré un être complet, un être cohérent. Il habitait dans une maison traditionnelle en banlieue de la ville. Leur rendre visite, à sa femme et lui, comme je le faisais presque chaque semaine, c’était sortir de la bruyante animation du Caire et pénétrer dans un refuge intemporel où l’intime et l’apparent faisaient un et où les réalités du monde auquel j’étais habitué devenaient floues, indistinctes.

J’avais besoin d’un refuge. J’étais tombé en amour avec la Jamaïque, s’il est possible de tomber en amour avec un pays, et je détestais l’Égypte pour n’y rien retrouver qui me rappelât la Jamaïque. Où étaient passées mes Blue Mountains, ma mer tropicale, mes belles filles antillaises? Comment avais-je pu quitter le seul endroit où je m’étais jamais senti chez moi? Mais ce n’était pas tout, loin de là; j’avais non seulement quitté un lieu, mais aussi une personne, une jeune femme sans laquelle ma vie m’apparaissait vide, désormais, et moins intéressante à vivre. Je compris alors tout le sens du mot « obsession » : une leçon douloureuse, mais utile et même nécessaire pour ceux qui cherchent à mieux se comprendre et à mieux comprendre les autres. Rien n’avait de réelle valeur, dans ma vie précédente; ma seule réalité était ce besoin de me retrouver auprès de l’unique personne qui occupait mes pensées du matin au soir, et jusque dans mes rêves. Lorsque, dans le cadre de mon travail, je lisais à mes étudiants des poèmes d’amour à voix haute, des larmes coulaient le long de mes joues et ils se disaient, entre eux : « Et bien, voilà un Anglais qui a du cœur! Nous croyions qu’ils étaient tous aussi froids que la glace! ».

Ces étudiants, et plus particulièrement un petit groupe de cinq ou six d’entre eux qui étaient plus âgés, constituaient aussi un refuge, pour moi. Même si je détestais l’Égypte pour être située à 8000 milles de l’endroit où je souhaitais me trouver, j’aimais ces jeunes Égyptiens. Leur chaleur, leur ouverture d’esprit et la confiance qu’ils me témoignaient m’apportaient un réconfort. Et bientôt, je me mis à aimer leur foi, car ces jeunes gens étaient de bons musulmans. Je n’avais plus de doutes. Je me disais que s’il m’était possible de jamais m’investir dans une religion – et même de m’emprisonner de gaieté de cœur dans une religion – cette religion ne pouvait être que l’islam. Mais pas tout de suite! Je me souvins de cette prière de Saint-Augustin : « Seigneur, donne-moi la chasteté et l’abstinence – mais pas tout de suite! », sachant qu’à travers les âges, d’autres jeunes hommes, croyant avoir devant eux toute la vie, avaient prié pour que Dieu leur accorde la chasteté ou la piété, ou une vie plus vertueuse, mais avec la même réserve... Et la mort était venue chercher plusieurs d’entre eux alors qu’ils se trouvaient toujours dans cet état.

Toutes choses égales par ailleurs, j’aurais pu ne jamais arriver à surmonter mes hésitations. Même si j’avais l’intention d’embrasser l’islam un jour, il aurait été probable que je remette cette décision d’année en année jusqu’à ce que, même vieux, je persiste à dire « mais pas tout de suite! ». Mais toutes choses n’étaient pas égales. Au fil des mois, mon désir de revoir la Jamaïque et cette jeune femme grandit plutôt que de diminuer, comme s’il se nourrissait lui-même. En me réveillant, un matin, je compris que seul le manque d’argent m’empêchait de retourner dans cette île. Je m’informai et appris que si je voyageais sur le pont d’un bateau à vapeur, le voyage me coûterait tout au plus 70£. J’étais certain d’arriver à amasser cette somme avant la fin de la session universitaire et cette certitude transforma mon quotidien. Sachant mon départ proche, j’en venais presque à apprécier ma vie au Caire. Mais une question me tourmentait, qui ne pouvait plus être reportée et exigeait une réponse ferme. L’occasion d’embrasser l’islam qui se présentait à moi pouvait ne jamais se représenter. J’avais devant moi une porte ouverte. Je pensai que si je ne passais pas cette porte, je prenais le risque de la voir se refermer pour toujours. Je connaissais, par ailleurs, le genre de vie qui m’attendait en Jamaïque, et je doutai d’avoir jamais la force de vivre en tant que musulman dans un tel environnement.

Je pris donc une décision qui, avec raison, peut étonner la plupart des gens et non seulement les musulmans. Je décidai – comme je me le dis à moi-même – de « semer une graine » dans mon cœur, d’embrasser l’islam sur-le-champ dans l’espoir que cette graine germe un jour et se transforme en une vigoureuse plante. Je ne blâmerai personne si on m’accuse d’avoir manqué de sincérité ou de ne point avoir eu une intention pure. Mais peut-être sous-estiment-ils l’empressement de Dieu à pardonner les faiblesses humaines et Son pouvoir de produire une plante et des fruits à partir d’une graine semée dans un sol aride. Quoi qu’il en soit, je ressentais un besoin pressant d’agir en ce sens et je savais ce que je devais faire. Je me rendis chez Martin Lings, lui racontai mon histoire et lui demandai de me servir de témoin pour que je puisse prononcer la shahadah, c’est-à-dire l’attestation de foi. Après avoir d’abord hésité, il accepta. Le cœur à la fois empli de crainte et de joie profonde, je priai pour la première fois de ma vie. Comme c’était le mois de Ramadan, je jeûnai dès le lendemain, chose que je ne m’étais jamais imaginé faire.

Peu de temps après, j’annonçai la nouvelle à mon petit groupe d’étudiants; je ressentis leur ravissement comme une chaleureuse étreinte. J’avais cru, auparavant, être proche d’eux; je comprenais maintenant qu’il y avait toujours eu une barrière entre nous. Cette barrière avait désormais disparu et je fus accepté parmi eux comme un frère. Au cours des six semaines suivantes, qui précédèrent mon départ (je n’avais pas dit à mon employeur que je quittais), l’un d’eux vint chaque jour m’enseigner le Coran. Un jour, je me regardai dans le miroir : mon visage était le même, mais il appartenait à une personne différente. J’étais musulman! Et c’est dans cet état d’agréable étonnement que je montai à bord d’un navire, à Alexandrie, et pris la mer vers un avenir incertain.
Date de l'ajout: 2010-04-24
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